De Paris à Belem, d'une COP à l'autre

Ne nous contentons pas de chercher les clés de notre stratégie sous l’éclairage du lampadaire Data

D'une COP à l'autre

La COP 30 à Belem fête les 10 ans de la COP 21 et de l’accord de Paris, mais le monde a bien changé depuis !Il semble loin, le coup de marteau de Laurent Fabius scellant l’accord dans l’enthousiasme général, la voix des petits pays menacés par la montée des eaux enfin entendue, l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C partagé par tous !

Depuis, entre crises sanitaires et géopolitiques et montée des populismes, les priorités ont changé. La « fin du mois » l’a clairement emporté sur « la fin du monde », le discours sur l’effort et la sobriété n’a pas été compris, et un backlash généralisé semble emporter sur son passage le peu de règlements écologiques qui avaient été votés, notamment en Europe.

L’objectif de +1,5°C est désormais hors de portée, et il en est probablement de même du véritable objectif de Paris, celui des +2°C. D’après le dernier rapport du Programme des Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE), nous sommes plutôt sur une trajectoire nous menant à un réchauffement entre +2,3°C et +2,5°C à la fin du siècle. Les résistances à l’arrêt des énergies fossiles sont nombreuses.

Et pourtant… rappelons que sans l’effort de réduction des émissions impulsé par l’accord de Paris, la trajectoire serait plutôt vers+ 4°C, et dans ce domaine chaque dixième de degré compte. Rappelons aussi que l’accord de Paris n’était pas contraignant, qu’on pouvait s’en retirer, et qu’il comportait de nombreux conditionnels (sans quoi il n’aurait pas été signé !).

Les Etats-Unis se sont retirés mais n’ont pas fait d’émules. La Chine s’active, pour des raisons essentiellement commerciales, mais revient de très loin sur ses émissions locales. L’Europe remplace la durabilité par la compétitivité (contrairement à l’esprit du rapport Draghi qui appelait à combiner les deux), et a peiné pour obtenir un accord à 27 sur ses engagements avant l’ouverture de la COP 30.

On est au creux de la vague, et on assiste à une remise en cause de la science. Et pourtant, tout ce qui avait été anticipé par la science est arrivé. Les catastrophes climatiques se multiplient et leur intensité ne fait que s’accroître, en particulier dans des pays peu responsables des émissions de gaz à effet de serre.

Comment retrouver l’élan de 2015 ?

De l’atténuation à l’adaptation

Il faut continuer à encourager les politiques d’atténuation (« sortir des énergies fossiles ») et poursuivre la feuille de route de durabilité issue des accords de Paris, en changeant le narratif pour associer compétitivité et durabilité.

Mais les objectifs d’adaptation et l’organisation de la transition sont désormais à privilégier, avec des renoncements si nécessaire. Le ministre Christophe Béchu a été mal compris quand il a préconisé de s’adapter à un scénario à +4°C, mais il ne faisait qu’anticiper une évolution inévitable. Il y a à présent une prise de conscience générale sur le sujet (7 à 9 % des commandes publiques de travaux sont sur l’adaptation).

L’aléa climatique doit être intégré dans les business models, surtout dans les infrastructures, en comparant le coût de l’action avec le coût des dommages suite à l’inaction (dans un ratio de 1 à 5 d’après l’ONU). Les enjeux en Europe sont surtout d’entretenir l’existant, de développer le low-tech, les actions concrètes de type verdissement des cours d’école. Il faut encourager les réseaux décentralisés, adapter les bâtiments et les villes au climat, en s’inspirant aussi bien de l’IA que de méthodes ancestrales.

Le dialogue science – société

L’état des connaissances scientifiques doit infuser la société, en luttant contre la désinformation, notamment par la régulation des algorithmes des réseaux sociaux. L’engagement des scientifiques doit avoir un rôle d’alerte pour éclairer les leviers d’action, jouer un rôle de vigie et suivre l’avancée des objectifs factuels.

En France, le Haut Conseil pour le Climat assure le suivi des politiques, et la Commission Nationale du Débat Public défend le droit de toute personne à participer au débat sur l’environnement (notamment par l’accès à l’information). Mais peu de projets ont été arrêtés pour des arguments environnementaux (seul exemple notable, le terminal 4 de Roissy).

Les scientifiques ont un rôle important à jouer par rapport aux retours d’expérience : partage, leçons à tirer. Par exemple, l’expérience « Paris 50° ? comment s’y préparer ? » vient des acteurs de terrain. D’autres études pourraient être faites sur le ruissellement ou l’approvisionnement en eau.

Place des acteurs non étatiques

La société civile avance plus vite que les politiques. Les acteurs non-étatiques doivent accompagner les entreprises publiques pour financer des initiatives de transition que les Etats européens, très endettés, ne peuvent financer sur les seuls deniers publics. L’effet Trump 2 fait que beaucoup d’entreprises gardent leur trajectoire mais communiquent moins.

Les possibilités de dialogue de la société civile doivent être préservées. Les outils existent (ConventionCitoyenne) si on les laisse s’exprimer. Les citoyens peuvent être impliqués dans les démarches participatives selon différents niveaux (information, consultation, concertation, co-construction, co-décision).

Les grands enjeux de la COP30… et les résultats concrets

Les priorités majeures de la COP30 étaient les suivantes :

Limiter l’augmentation de la température : avancer vers une trajectoire compatible avec les objectifs de Paris et renforcer les engagements nationaux (NDCs) -> Insuffisant. L’objectif d’une trajectoire vers +1,5 °C a été réaffirmé mais n’a pas été concrétisé par des engagements chiffrés (aucun nouvel engagement significatif et contraignant n’a été adopté pour des réductions d’émissions globales).

Protection des forêts et biodiversité : faire de la protection de la forêt (symbolisée par l’Amazonie) un pilier des décisions et produire des avancées sur la déforestation. -> Avancée positive mais insuffisante pour répondre pleinement aux ambitions attendues. La déforestation reste largement hors d’un cadre contraignant.

Finance climatique : renforcer les financements pour l’atténuation, l’adaptation et soutenir les pays en développement -> Partiellement atteint pour l’adaptation (triplement des financements dédiés d’ici 2035 : 120 milliards USD par an), mais insuffisant dans la mobilisation financière globale, notamment pour l’atténuation et les pertes et dommages.

Sortie des énergies fossiles : obtenir un engagement explicite en faveur d’une feuille de route internationale pour la sortie progressive des énergies fossiles.
-> Non atteint. Le texte final n’a pas intégré ce point, ce qui a été souligné comme une faiblesse majeure par de nombreux observateurs. Une initiative volontaire a été encouragée pour que certains pays coopèrent sur des réductions accrues d’émissions carbone, mais sans cadre contraignant ou global.

Gouvernance climatique, solidarité et multilatéralisme : renforcer la coopération internationale, la transparence des engagements et l’équité entre pays. -> Atteint à un niveau basique. La COP fonctionne toujours comme un forum multilatéral, mais sans renforcement substantiel du multilatéralisme climatique. Les divergences géopolitiques ont limité l’ambition du texte.

La COP30 s’est achevée avec un accord de compromis minimal qui a sauvé le principe de coopération internationale, mais n’a pas répondu pleinement aux grands enjeux anticipés, en particulier sur la fin des énergies fossiles, les financements ambitieux et les trajectoires d’émissions compatibles avec +1,5 °C.

Quoi de nouveau pour le secteur financier ?

La conférence n’a pas apporté de signal clair sur le prix mondial du carbone ni de feuille de route contraignante sur la sortie des énergies fossiles. L’incertitude réglementaire globale demeure, ce qui limite la visibilité à long terme sur certains investissements.

La COP30 ne crée pas de nouvelles obligations directes pour les banques (ce n’est pas son rôle), mais elle renforce de manière décisive les tendances déjà à l’œuvre : intégration du risque climatique dans le crédit, montée en puissance du financement de l’adaptation, et pression accrue sur la qualité des plans de transition des clients.

Financement de l’adaptation

L’objectif politique de triplement des financements d’adaptation à horizon 2035 ouvre un marché structurant pour les banques. On peut s’attendre au développement de projets d’infrastructures résilientes : gestion de l’eau, protection côtière, agriculture adaptée, villes et bâtiments résistants aux aléas climatiques. Ceci ouvre pour les banques des opportunités de financement de projets, avec des partenariats public-privé, et de la blended finance (fonds publics + capitaux privés).

Pour un banquier, c’est un nouveau marché structurant, moins spéculatif que les renouvelables, mais plus diffus et territorialisé.

Gestion du risque climatique

La COP30 conforte l’idée que le climat est un facteur de stabilité financière (via adaptation, pertes &dommages, résilience). On s’attend donc à un renforcement des stress tests climatiques, de l’analyse des risques physiques (inondations, chaleur, sécheresse), avec pour conséquence la différenciation du coût du crédit selon l’exposition climatique.

Même sans texte contraignant, les banquiers savent que les superviseurs vont durcir leurs attentes, et que la COP30 sert de justification politique à ces durcissements.

Relation client et crédit

Le rôle des banques dans la transition va se trouver consolidé, même sans choc réglementaire immédiat. Les États n’ayant pas acté de sortie claire des fossiles, la pression va se déplacer vers les acteurs financiers : politiques sectorielles, exclusions progressives, exigences de plans de transition crédibles chez les clients. En clair, le banquier aura une responsabilité accrue dans la sélection et l’accompagnement des clients.

Les banques pourront légitimement exiger davantage de données climatiques de leurs clients (exposition aux aléas, plans d’adaptation, trajectoires de transition). Cela se traduira par des questionnaires plus précis, l’intégration du climat dans les comités crédit, la valorisation des clients capables de documenter leur trajectoire (RSE, VSME, CSRD, etc.).

La COP30, en confirmant une trajectoire désordonnée mais irréversible, renforce la distinction entre activités finançables à long terme, activités finançables sous conditions, activités à risque de dévalorisation. Cela veut dire pour une banque plus de sélectivité sectorielle, plus de différenciation dans les conditions de financement, et la possibilité de mettre en place des covenants sur événements climatiques.

Conclusion

Pour une banque, la COP30 n’est pas un tournant brutal, mais un accélérateur de transformations déjà engagées. Le climat devient définitivement un déterminant central du risque, de l’allocation du capital et de la relation client. Les établissements qui anticipent ces évolutions renforceront leur résilience et leur positionnement stratégique, là où les Etats restent en retrait.

Pascal Cottereau

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